Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Utilisation, restauration, conseils d'achat...

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Cornelius Agrippa
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Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Rediffusion du mer. 4 nov. 2020 19:50

Note liminaire: Ceci est un divertissement, le laïus qui va suivre n'a pas vocation à être un pas à pas, mais plutôt un monologue illustré. Mes méthodes de béotien ne plairont certainement pas à tous mais je suis toujours prêt à apprendre.

Intervenant peu sur ce forum, je me propose de soumettre à la communauté l’essai d’un outil certainement indispensable acquis lors de pérégrinations brocantesques: la référence 182 de chez Millers Falls.

Cette intervention sera un peu plus longue qu’à l’accoutumée et probablement moins loufoque aussi… quoiqu’il serait périlleux de s’engager sur ce dernier point.




Hors donc, Millers Falls fut un acteur absolument incontournable de l’outillage états-unien, une maison plutôt connue pour ses outils de perçage mais ses rabots sont extrêmement réputés également.
En ayant eu en main plusieurs fois (du type à presseur trois points), j’ai souvent failli craquer, ils sont aussi bien faits que les Stanley de la même époque mais me paraissent souvent plus lourds, c’est parfois appréciable. Mais je digresse déjà, revenons-en à notre outil à faire des trous.

Il apparaît donc que de 1881 à 1922 le catalogue Millers Falls a proposé une étrange hybridation de deux outils. Une chignole a été greffée à un vilebrequin sous deux versions, la 182 qui nous intéresse et la 192 beaucoup plus rare.
Sur ce même forum Domi49, dans un élan de créativité heureuse a nommé cet outil une vilebrequignole et on l’en remercie. Les états-uniens (qui n’ont pas le bonheur de lire notre prose) se contenteront de l’étiqueter combination drill brace ou encore geared brace.

L’exemplaire du 182 en ma possession serait donc d’un des types les plus récents, probablement après 1900, pas récent mais pas super vioque non plus donc.

Millers Falls 182 exhumée d'un vide grenier en Belgique

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Nous nous attacherons à mettre l’outil en situation de travail bien réelle, ce sujet a pour but avoué de mettre en lumière le vilebrequin, outil trop injustement absent de nos conversations à la machine à café.

Par conséquent, très peu d’autres outils seront mentionnés sur cette page d’où les rabots seront fort probablement bannis!
Dernière modification par Cornelius Agrippa le 29 mai 2021, 00:29, modifié 1 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

...et d’ailleurs puisqu’on parle de rabot, une question revient sempiternellement sur ce forum: quel rabot acheter?

Des copains bien plus serviables que moi y ont répondu maintes fois et je profite de l’occasion pour inscrire ici ma courte contribution à cet effort.

Prêt pour la grande révélation?

Il existe 3 (trois) types de rabots communs: le Riflard et la Varlope d'un côté (pour le corroyage) et le Rabot ordinaire (pour la finition).
Et voilà! C’est tout pour les rabots communs.

Question simple, réponse simple...elle est pas belle la vie!

De Facto, posséder plus de trois rabots communs est non seulement déraisonnable, mais certainement le signe de frustrations profondes par ailleurs.

Ce mystère étant enfin levé, gageons que ce forum ne verra plus aucun indécis!

Reprenons donc le cours de ce passionnant test.
Dernière modification par Cornelius Agrippa le 28 mai 2021, 23:55, modifié 1 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Donc pour tester correctement une Millers Falls #182, il faut bien sûr commencer par abattre un arbre. Tout le monde en conviendra. (Cela dit, je ne promets pas avoir de si beaux arbres à abattre dans mes futurs tests)

Un arbre

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Le test de cet outil sera l’occasion de préparer une boîte qui comportera des trous d’une cruciale importance.
La précision nécessaire à cette entreprise implique l’utilisation d’un outil hors norme. Ne possédant malheureusement pas de perceuse, je fonde beaucoup d’espoirs sur cette Millers Falls #182

Détails de la Millers Falls #182

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Image


La copine qui m’a donné ce noyer probablement centenaire l’avait fait abattre par une entreprise avant de m’en parler et je suis malheureusement arrivé après son saucisonnage sans règles. J’utiliserai pour ce test une des nombreuses sections trop courtes résultant du massacre.

Votre serviteur est le premier à s'offusquer des intervenants posant dans notre section favorite, une question sur leur gabarit Leigh ou leur combiné Lurem. Une machine pourrait cependant être évoquée de manière fugace ici, nous éviterons de la nommer par respect pour cette section. J’ai pour l’occasion préparé une métaphore photographique d’une subtilité inégalée à ce jour

Ceci est une métaphore photographique d’une subtilité inégalée

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D’ailleurs je confesse humblement ne pas pouvoir me passer de cet engin à ce stade du test.

De surcroît, utiliser un passe-partout seul demande de trop fréquents allers- retours, il faut bien l’avouer!


Une mini scierie maison est donc installée au plus près de la haie du voisin finlandais. L’emplacement n’est pas anodin, en effet notre nordique ami baigne dans une constante béatitude éthylique qui lui permet d’accepter notre tapage diurne. Brave voisin!

Soucieux de faire honneur à cet outil hors norme (la Millers Falls #182 au cas où…) l’on prendra soin de débiter des planches sur quartier et pas de la dosse de sagouin, sinon ça sert à rien de s’échiner à faire ses planches soit même!


Ensuite, hé bé…il nous faut attendre de longs mois afin que le bois sèche…et “de longs mois” ça c’est long!

(Ami lecteur, je te donne donc Rendez-vous dans quelques mois pour la suite de ce test.)
Dernière modification par Cornelius Agrippa le 02 juin 2021, 19:55, modifié 2 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Bon...de longs mois ce sont écoulés.

Débit

Cette longue et ascétique retraite loin des planches qui sèchent m’a rappelé combien je suis [radin] proche de mon bois sur quartier.

Ce test d'outil peut-être fait avec n'importe quel bois après tout!

C'est donc dans un incroyable retournement de situation que décision est prise d'utiliser également des dosses de noyer ainsi que d'une planche de chêne très, mais alors...très moche. Ceci est en partie dû au fait que je l'ai faite trop fine par inattention, elle a pas mal bougé et pleine de nœuds bizarroïdes...pas du tout adaptée à un projet sans électricité donc.

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Les cieux étant dégagés, l'on débitera les planches dans le potager de Madame, avec un peu de chance, les petites bêtes présentes dans l'aubier iront grignoter autre chose que notre stock de bois.

L'avantage concret de ce chantier extérieur est qu'il permet d'utiliser toute l'amplitude des scies de 70cm (ici en 4.5 tpi), le lit de ce potager étant plus bas que le sol alentour.

Le sciage en travers fil sera effectué dans la foulée.

Le banc de sciage est installé dans l'antre de Madame

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Dernière modification par Cornelius Agrippa le 29 mai 2021, 00:12, modifié 1 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Corroyage

En matière de corroyage comme en affutage, aucune méthode n'est universelle et il est toujours intéressant de voir les différents modi operandi des intervenants du forum; j'illustre donc ici mes habitudes.

Une planche aux défauts classiques

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Le premier rabot commun a toucher les planches est donc le Riflard.

En France cet outil fait traditionnellement 55-60cm de long, on en trouve très fréquemment sur les vide greniers de village entre 4 et 8 EUR.
Ce n'est pas un outil de précision, nul besoin d'un fût parfait et avoir un outil de bois, donc léger, pour cette opération est tout indiqué.

Si il n'y a qu'un rabot commun à avoir en bois, ce serait à mon sens celui là. J'en ai et les utilise avec satisfaction.
Pour notre test, nous en utiliserons deux versions métalliques plus courtes cependant (pas de raison particulière autre que mes rabots de bois ne sont pas tous facilement accessibles pour l'instant).

Pour la cambrure du fer, c’est toujours la même histoire, trouver son propre confort entre sortir profond mais sur une petite largeur ou enlever des copeaux un peu plus larges mais moins épais. Adepte de la seconde école, Je préfére pousser l'outil avec un peu moins d’effort et utiliser au mieux la largeur du fer. Cela dit ça reste très efficace et pour la violence pure et très ciblée il est possible de recourir à un autre outil extrêmement court et étroit, d'inspiration hollandaise.



Pour fixer l’ouvrage à l'établi, j’ai deux options disponibles dans mon atelier; en presse de bout, partie bombée de la planche contre le plan de travail; ou bloquée par pied de biche et valets lorsque le creux est contre l'établi.

Les deux méthodes fonctionnent très bien mais aux étapes où l’on doit fréquemment bornoyer, la seconde est selon moi plus flexible.

Nous nous occupons du tuilage en faisant des passes traversants la largeur de la planche. Raboter perpendiculaire au fil est bougrement efficace pour ôter de la matière rapidement.

Plutôt que d’attaquer bille en tête en passes traversantes sur toute la planche, identifier les points hauts pour les traiter en premier permet de garder un maximum d’épaisseur.

Dans le cas présent, le poids de notre future boîte doit être contenu, aussi une diète forcée à coup de Riflard est la bienvenue.

Riflard court en travers fil

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...qui pour cette photo donne un copeau bien étroit d'ailleurs!

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Si l'on veux épargner de l'épaisseur, l'on évaluera en cours d'opération, les points demandant une attention localisée

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Je bornoie fréquemment pour évaluer le chantier.

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Pour le gauchissement, j’apprécie un outil avec un peu moins de cambrure sur le fer et surtout une semelle plus longue, dans l’esprit du Riflard traditionnel en bois que nous évoquions plus haut.

Note: le boiseux minimaliste bien sûr se contentera du même Riflard dont il reprendra un peu de fer. Mais l'occupant de cet atelier apprécie d’utiliser une semelle plus longue pour commencer à aplanir.

Passes de Riflard en diagonales croisées.

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Le Riflard a donc fait son office et nous sommes à présent débarrassé de tout tuilage et gauchissement.

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Dernière modification par Cornelius Agrippa le 02 juin 2021, 19:55, modifié 4 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Ensuite l’on passe au second rabot commun, la Varlope qui nous permettra de dresser la planche sur sa longueur.
Là par contre, utiliser un outil de bois implique de le maintenir bien dégauchi, avec les saisons l'hygrométrie changeante peut se jouer du long fût de l’outil.

Chez moi son fer est droit avec les coins abattus

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A l'étape de la Varlope aucun secret, il faut juste de la patience, pour écrêter petit à petit les sommets et tout amener au même niveau. Les premières passes ne donnent pas grand chose et il est souvent contre productif de redonner du fer.

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Les petits copeaux initiaux

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Dans l’idéal une fois que l’on obtient un copeau continu sur toute la longueur de la planche, on sait que la Varlope a effectué son travail. Dans ma pratique, certains jours, ça arrive difficilement, et d’autre part (la plupart du temps) il est inutile d’essayer d’atteindre la perfection, le travail manuel permet beaucoup plus de flexibilité que le travail exclusivement à la machine.

Parement à la Varlope, étape intermédiaire

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Parement à la Varlope, étape finale

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Il est bien sûr possible de travailler sans varlope. Un outil plus court sera utilisé localement pour venir à bout des bosses et on jaugera fréquemment la planéité avec une règle.

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L'outil à semelle courte pour opérer localement

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Un outil à semelle de taille moyenne pourra finir le travail

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Dernière modification par Cornelius Agrippa le 02 juin 2021, 19:56, modifié 1 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Il convient ensuite de s'attacher à dresser le champ

La Varlope y excelle bien sûr mais obtenir un champ bien droit est peut-être le plus difficile exercice du corroyage. Dans le même temps il faut aussi veiller à l'équerrage du champ vis à vis du parement.

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Si d'aventure l'on a un défaut d'équerrage, on excentrera l'outil pour que la partie de semelle à côté de la lumière repose sur le côté bas du champ, ainsi le fer n'attaquera que le côté haut du champ et soustraira l'excédent.

Ceci est la raison pour laquelle de nombreux menuisiers affutent le fer de leur varlope avec une légère courbe.

Dans mon atelier, la Varlope la plus longue est le seul outil au fer complètement droit, j'ai tout loisir de revenir au Riflard pour avoir le bénéfice du fer courbe si besoin est.

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Note: notre ami minimaliste notera amusé, qu’une seule Varlope permet de faire ces deux dernières tâches (face et champ), naturellement on lui donnera raison!

Parfois, la planche est assez fine et maintenir la large Varlope sur son champ est malaisé. Le menuisier dont le coeur est pur mettra cependant un point d'honneur à rattraper le champ récalcitrant à l'aide de l'outil traditionnel!

Il convient néanmoins de noter qu'il existe une solution alternative...celle ci est confidentielle, souterraine...elle sent le souffre. Elle est pratiquée par quelques hérétiques qui se sont regroupés en une espèce de secte détournant certains outils de leur fonction première...
Ainsi le menuisier perfide, utilisera lui un outil conçu à l'origine pour recaler un planche, en équilibre sur une poutre de toit. Un outil conçu donc pour le bois de bout.

Le passer sur la longueur de notre champ en maintenant le guide bien en appui sur le parement de la planche, permettra de récupérer facilement un petit défaut d'équerrage.

Une méprisable utilisation de cet outil

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L'auteur de ces lignes se tient bien entendu éloigné le plus possible de cette apostasie, et met en exergue cette technique païenne dans un unique autant que vertueux but de recherche!
Dernière modification par Cornelius Agrippa le 02 juin 2021, 19:57, modifié 1 fois.
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Message par ApprendreDecouvrir »

Il me semble , en tant que novice , que les scies a onglet manuelle de chez Miller Falls d'epoque sont plutot tres bien vu aussi , non ?
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par PandaInHawaii »

Hum ce n’est pas si détourné que ça…

« Rabot à épaulement en acier VERITAS
Les rabots de chant sont utilisés pour les coupes sur le bord des planches afin de garantir des chants lisses et parfaitement perpendiculaires à la surface de la pièce. Il convient également au travail du bois de bout. »

Mais dans ma tête ce genre de rabot est un peu accessoire.
Mais Veritas étant le Festool des outils manuels, il fallait bien qu’il en produisent un.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par chris44 »

Pourtant ce rabot me fait de l'oeil pour gagner en efficacité pour avoir une planche bien d'equerre après passage à la scie.

Il marche bien ce rabot ou pas?
Merci
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

ApprendreDecouvrir a écrit : 30 mai 2021, 15:30 Il me semble , en tant que novice , que les scies a onglet manuelle de chez Miller Falls d'epoque sont plutot tres bien vu aussi , non ?
Vous avez tout à fait raison. On croise fréquemment sur les forums, des avis d’utilisateurs de la scie à onglet, extrêmement satisfaits.
Je n’ai jamais croisé ces scies moi-même, mais tous les outils de cette maison que j’ai eu en main sont d’extrêmement bonne qualité, c’est une valeur sûre.

Comme je l’avais évoqué à la première publication, j’aime beaucoup leurs rabots communs à presseur à trois points, ils sont d’excellente facture. Domi49 en utilise de ce type avec succès.

Les #9C et #15 de Domi49
Image

Comme chez Stanley à une époque, Millers Falls a aussi réduit les coûts de production et les derniers types ont généralement mauvaise presse.
ll me semble avoir lu plusieurs fois que la nomenclature des rabots communs de Millers Falls est plus logique que celle de Stanley, reprenant la taille de semelle.


PandaInHawaii a écrit : 30 mai 2021, 17:10 Hum ce n’est pas si détourné que ça… (...)
Si vous le permettez, je continue à penser que c’est un peu détourné ;-)

Veritas et Lie Nielsen on forcément produit leur version du #95 (même en version gaucher ?!) et il est possible qu’ils se servent de l’utilisation sur champ comme argumentaire commercial.
C’est quand même un peu bidon, comparez la taille de la semelle du #95 à la varlope #8 juste au dessus et vous comprenez que si vous comptez vraiment utiliser le #95 pour faire le champ en intégralité, vous allez vous retrouver avec des vagues…Le dressage d’un champ se fait sur deux plans et je le présentais un peu comme une blague, n’imaginez pas une seconde remplacer un #7 ou #8 par un #95.

Il apparaît que le #95 a plus été conçu pour une utilisation in situ, pour faire la moitié du boulot d’une planche à recaler. Je suppose d’ailleurs que c’est bien pour faciliter son usage sur le bois de bout qu’il porte un fer en biseau.

...et je suis plus Lie Nielsen que Veritas...mais c'est personnel ;-)

chris44 a écrit : 30 mai 2021, 21:46 Pourtant ce rabot me fait de l'oeil pour gagner en efficacité pour avoir une planche bien d'equerre après passage à la scie.

Il marche bien ce rabot ou pas?
Merci
Très bien, nous sommes plusieurs à l’avoir ici, mais ce n’est pas une dégau ;-)

D'ailleurs je reposte une précision que j'avais apporté après que micheld4036 suggère très justement qu'on pouvait faire le boulot (mieux selon moi) avec une planchette et deux aimants forts, un peu dans le style des Stanley #386 et Millers Falls #88 par exemple qui sont sur ma liste depuis des années.


par Cornelius Agrippa » dim. 8 nov. 2020 22:01

Régine, Manureva1 et elaand, merci pour vos mots sympas.

Manureva1, vu la taille de mon atelier, la majorité des photos est prise au grand angle, il n’y a bien qu’un modèle de règles à bornoyer chez Veritas.

Domi49, un grand merci pour cette fabuleuse histoire, un outil dont on est seulement le passeur, à garder près du cœur. Belle anecdote merci.



elaand, au sujet du #95. Manureva1 et micheld4036 ont bien résumé les choses, ça n’est certainement pas indispensable, surtout dans cette utilisation.

On lit toujours sur les avantages de ces outils, mais pas souvent sur leurs défauts.
Par exemple, on lit toujours que l’avantage de la ligne Bedrock est de changer la taille de lumière sans déposer le fer. Ce qu’on ne lit jamais c’est que son chariot se déplace sur un plan incliné...ce qui a pour conséquence de changer la profondeur de sortie de votre fer.
Vous avez ouvert ou fermé votre lumière facilement certes...mais votre réglage de fer aux petits oignons et du coup à reprendre!

Pour ce qui est du #95, il faut donc garder à l’esprit que:
- ça ne fonctionne pas sur des planches très larges
- dans mon exemple d’utilisation détournée, il faut se rappeler qu’à l’origine nous étions en train de dresser le champ! Un rapide coup d’œil sur la taille des semelles du #95 et du #608...et on a compris qu’on pouvait rapidement être contre-productif ;-)
- Comme pour un rabot à recaler, si le fer n’est pas réglé super précisément par rapport au guide, on n’aura pas le résultat escompté
- Dans son utilisation originelle, il ne fait que la moitié du boulot d’une planche à recaler...mais il tient dans la poche lui.


En tout état de cause elaand, loin d’être un as de la varlope je me sers très peu souvent du #95 heureusement la varlope suffit...mais c’est un chouette petit outil...et il fait parfois gagner du temps.

ADDENDUM: Généralement quand je penche d'un côté, c'est régulier et je m'en aperçois vite. Après réflexion, je peux affirmer qu'il n'y a qu'un type de situation où je sors cet outil: quand sur de longues planches mon défaut d'équerrage de champ fait une hélice. Plutôt que de zizager avec la varlope, le #95 permet une rapide retouche locale et ensuite la varlope remet tout le monde d'accord.
Dernière modification par Cornelius Agrippa le 26 févr. 2023, 00:46, modifié 11 fois.
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Message par Cornelius Agrippa »

Lors des échanges avec les copains avant le crash serveur, Domi49 nous a fait part d’une anecdote qui m’a beaucoup plu et que je republie ici avec son accord, merci Dominique.


par domi49 » dim. 8 nov. 2020 11:24
Puisqu'on parle du Stanley #95, je me permets de m'incruster un peu dans le sujet de Cornelius...
Voici le mien :





Moi qui aime les vieux outils, je demande toujours au vendeur s'il connaît son histoire.
Souvent, les gens ont juste un lien familial avec l'ancien propriétaire, et sont contents de savoir qu'il servira encore plutôt que de prendre la poussière sur une étagère.
Mais là, pour ce #95 j'ai été comblé... Je vous recopie ci-dessous le mail du vendeur, sur leboncoin :



"Ce petit rabot appartenait à un luthier italien, xaveiro grizzo, installé rue
ramponneau à Paris.

Parmi ses nombreux clients, un certain Georges Brassens. 
J'ai rencontré Grizzo il y a presque 50 ans. J'avais 12 ans à l'époque. J'étais 
venu le voir avec mes très faibles économies pour lui commander une guitare 
d'étude. Non seulement, il ne m'a pas mis dehors, mais il m'a proposé de 
fabriquer cette guitare(que je joue toujours) pour un prix ridiculement bas à 
condition que je vienne l'aider.

Donc tous les jeudis, j'allai passer 
l'après-midi dans son atelier. Ma guitare était magnifique avec un son 
exceptionnel pour un instrument d'étude. Je suis reparti avec mon trésor et en 
guise d'amitié, ce petit rabot pour faire de jolis "cippato" (copeaux en 
italien).

Ces copeaux ne m'ont jamais quitté. Je suis devenu menuisier. Ce 
petit 95 est resté à mes cotés durant toute ma carrière. Aujourd'hui vient le 
temps de la transmission. Je suis absolument ravi qu'il continue, dans vos 
mains, à faire de jolis copeaux.
"



Même si je ne suis pas sûr que le #95 a servi sur une guitare du célèbre Georges, j'y pense à chaque fois
Dernière modification par Cornelius Agrippa le 31 mai 2021, 09:15, modifié 1 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Pour la mise à épaisseur: Je vise 2 cm...l’avantage du travail à la main, c’est qu’on n’a nul besoin d’atteindre la précision de la machine. Tant que parement et contre parement sont parallèles c’est bon pour moi, tous les assemblages sont faits sur mesure par définition, donc on tombera pile poil quoi qu'il arrive...enfin on espère.

Une version ancienne de ce trusquin, lui-même copie moderne du #97

Image

La mise à épaisseur n'est pas l'exercice le plus exaltant. Quand on a ôté de la matière au point de voir un petit fil de bois se détacher sur la rive de la planche, on sait qu’on a atteint la coupe de trusquin.

Le trait est atteint

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Une fois le chêne préparé, on se débarrasse des copeaux et on passe au noyer.

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Je me débarrasse du coeur et également de l’aubier en mauvais état par endroits.

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L’automne étant arrivé entre temps, je ne peux plus squatter les plans de tomates de mon épouse et je débite donc à l’atelier.
J’utilise alors une scie plus courte, parfois sur des tabourets, n’ayant pas de banc de sciage...ou plus fréquemment « à l’anglaise » comme ici.

A la mode anglaise avec une scie de même... un régal cet outil (5 tpi)

Image


Et rebelote, corroyage

Riflard, en longueur pour la photo

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Varlope

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Les odeurs produites par le rabotage à la main sont très différentes d'une essence à l'autre. Sentir l'effluve libéré par les copeaux de noyer est toujours un plaisir.

Bon ça n'est pas une fin en soit, mais on peut arriver à un stade où l'on sent une succion entre nos deux planches dégauchies quand on les écarte doucement l'une de l'autre, comme un magnétisme...je le sens sur ces deux bouts de noyer...là on sait qu'aller plus loin serait contre productif.
Je n’ai pas atteint cette qualité sur le chêne par exemple et ça ne me cause aucun soucis.

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Dressage du champ

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Epaisseur

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Le corroyage est donc bouclé


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Dernière modification par Cornelius Agrippa le 02 juin 2021, 20:56, modifié 4 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Copeau Cabana »

Ca donne faim, je n'ai pas trouvé d'autres mots… ! ;)
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Merci Copeau Cabana c'est sympa.
J'ai fait quelques ajouts dans mon antépénultième message, suivant les commentaires de nos savants contributeurs à la précédente publication.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Régine »

Je suis vraiment ravie de retrouver ce fil ! Merci Cornelius. :)
La vie est belle alors, carpe diem !
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par chris44 »

Un fil génial !
Merci de toutes ces infos j'apprécie la lecture et les images.
Merci!
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Regine et Chris44, c'est très sympa, merci beaucoup.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Cornelius Agrippa »

Mise en place d'un des assemblages

Je ne suis généralement pas mécontent de mes arondes mais sur ce projet-ci, je prends la décision complètement folle de sortir de mon petit confort.
Je fais toujours les contre queues assez fines façon ébéniste, mais je ne me suis jamais frotté véritablement aux queues ultra fines ou « à la londonienne» (selon l’appellation d’outre-Atlantique). Le destinataire de ce projet étant votre serviteur, c’est une très bonne occasion d’expérimenter.

...bon au final, comme on dit « qui fait le malin, va dans le ravin », et j’aurais dû rester confortablement installé dans mes contre queues moins fines, mais je n’en dévoile pas plus.

Accessoirement, je compte aussi laisser la ligne de trusquin sur les queues.
Normalement je l’ôte comme la majorité d'entre nous je suppose, mais j'ai encore noté récemment que dans certains cas ça passe bien. Pour la xième fois j'étudiais la boite à outils de Pekovich, et bien que je sois peu sensible a l'esthétique générale, le fait qu'il ai sciemment laissé les lignes m'a donné envie d'essayer.

(Ami lecteur, retiens bien cette leçon: il ne faut jamais fuir les difficultés, tout comme moi, bombe le torse et affronte les).

Pour l’assemblage, j’ai ma méthode à moi. C’est un très savant mélange!
Un peu du pape de la queue d’aronde en culotte courte (Cosman), une pincée de certains bouquins (Kirby) et une bonne dose d’erreur et de précipitation...ça fonctionne pour moi.


Je passe déjà un coup de rabot ordinaire sur les faces internes de ma boîte.

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(j'ai perdu mon repère de sens du fil après avoir scindé la planche en deux, j'ai juste mis une bête flèche à la place)

Ensuite, on passe par la planche à recaler

Estimé lecteur, si vous aussi vous faîtes partie des pauvres hères n’ayant pas de #51 (ni #52), alors tout comme moi vous vous cantonnerez à recaler avec ce qui vous tombera sous la main en vous disant qu’un jour... oui un jour... la roue tournera pour vous aussi (chienne de vie hein!).

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Bien sûr il vaut mieux une rampe si on utilise un rabot à fer droit et utiliser un rabot à fer de biais avec une planche à recaler plate. Ma planche est plate et mon fer est droit...en gros je n'optimise pas, ça fait partie de ces projets qui se trouvent toujours en bas de liste. Par contre, c’est le troisième rabot que je dédie au recalage et je n’ai jamais vérifié l’équerrage des semelles, ça n’a aucune importance selon moi.
Le point crucial est bien que le fer soit perpendiculaire au champ, si la semelle est d'équerre mais que le fer n’est pas parfaitement placé, on perd son temps.


J’avais corroyé dans le but de gagner du poids, mais j’ai choisi de garder un peu plus d’épaisseur au noyer (contre queues) pour que les queues en chêne aient un peu plus de longueur.

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Du coup j’adapte bien sûr mes traits de trusquin en fonction de l’essence

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Ensuite c’est le ballet habituel du compas.

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D’ailleurs en parlant ballet, le lecteur mélomane aura reconnu « les Indes Galantes » de Rameau qui accompagne mon travail aujourd’hui, j’ai découvert récemment cette pièce et son fantastique mouvement « les Sauvages » ( ici par exemple au clavecin quoiqu'un peu trop lent).
C’est enlevé, sautillant, parfait pour couper les arondes.


Une fois le nombre de queues définies, je trace mes traits d’épaisseur de queues, bien parallèles et leur donne un coup de scie pour bien amorcer la coupe.

Je donne toujours ce coup de scie vertical, bien que la théorie veuille qu’il soit déjà à l’angle des queues.
A vrai dire en temps normal ce n’est franchement pas un souci à mes yeux, sauf que là c’est une situation nouvelle pour moi.

A l’usage, je constate que je les traits parallèles étant si proches les uns des autres, je n’arrive pas à garder la précision nécessaire et ma scie passe constamment d’un trait à l’autre.
Je termine le premier coin ainsi et décide de ne faire qu’un seul trait au lieu de deux pour les trois coins de boite suivants.

Ensuite, je coupe directement les queues sur tous les coins de ma boite, guidé par un bout de chêne (scie en 14tpi). L’avantage de cette méthode est que je ne trace rien, je prends juste pour point de départ mes fameux traits de scie.
Quand je n'utilise pas mon vieux bout de bois, je trace tout à la fausse équerre bien entendu.

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Mais avec un espace aussi fin entre les queues, l'amorce verticale de mon trait de départ est beaucoup plus présente qu"en temps normal" et je crains que ça ne me pose d’esthétiques problèmes en fin de parcours. L'avenir nous le dira!

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Dernière modification par Cornelius Agrippa le 24 févr. 2023, 23:59, modifié 4 fois.
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Re: Millers Falls 182 – Monologue auprès de mon établi

Message par Fridu »

Très intéressant reportage, l’écriture et la photographie sont à la hauteur du soin porté au travail manuel, bravo!
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